Écrire son livre au format newsletter 📖
N°2 Comment Charlotte Moreau réinvente-t-elle l’écriture sur internet.
Vous lisez l’Encrier — le média qui analyse les stratégies des meilleures newsletters pour vous aider à développer la vôtre. Un lundi sur deux (with love). ❤️
Hello all,
Charlotte Moreau, ex-journaliste du Parisien et aujourd’hui autrice indépendante, réinvente l’écriture sur internet. Et mon Dieu ce que ça fait plaisir à lire.
Septembre 2022 elle lance le premier chapitre de son livre au format newsletter et l’appelle “Glory Box”. Chaque mois, elle nous emporte avec elle dans un épisode de ses 15 années passées dans les coulisses d’un quotidien de “petite reporter dans une grande rédaction”. Un monde de célébrités, hors du temps et raconté par quelqu’un qui ne s’est jamais senti y appartenir.
Avec son livre au format newsletter, Charlotte croise plusieurs mondes : celui des feuilletons télévisés, celui de la littérature, et celui d’internet.
À l’opposé du style de Joe Pompliano beaucoup plus axé business à l’américaine de l’édition précédente, dans celle-ci je vous invite du côté littéraire de la force.
L’originalité du format que Charlotte a choisi ouvre des portes immenses sur la monétisation des écrits et sur l’engagement des communautés sur internet.
Alors je me suis demandé : “Comment écrit-on un livre au format newsletter ? Comment convaincre des habitués du papier de payer un abonnement mensuel pour lire un livre ? Qu’est-ce que ça signifie pour la suite de l’écriture sur internet ?”
Et puis, comme d’habitude, j’ai voulu vous en écrire un peu plus.
Composition de l’encre :
🟠 Un manuscrit à la poubelle.
🔵 Un style à part.
🟤 Un nouveau monde.
Le manuscrit à la poubelle 🟠
Avouons, vivre de ses écrits est un pari plutôt risqué. D’un côté le retour sur investissement est flou et incertain. De l’autre, les maisons d’édition ont la mainmise sur vos textes, sujets, angles et (surtout) euros générés.
Avant de lancer Glory Box, Charlotte Moreau était en pourparlers avec quelques maisons d’édition depuis plusieurs mois. Problème, ces dernières lui reprochaient son manque de notoriété pour écrire sur un sujet pareil.
Selon elles, un livre sur les coulisses du “reportage people” aurait eu plus d’impact s’il était rédigé par une célébrité. Pour Charlotte, être en dehors de ce monde apportait justement un angle unique et une connexion honnête avec ses lecteurs.
Déjà, premier frein à la rédaction d’un livre papier. Mais il n’a pas été le seul, il y avait le temps, aussi.
Écrire un bouquin prend une plombe. Plusieurs mois voire plusieurs années en fonction du temps qu’on dégage pour s’y consacrer. Tout ça, sans certitude que les musiciens soient bel et bien payés à la fin du bal.
Quand on a proposé à Charlotte d’écrire son histoire au format newsletter et de s’affranchir de toutes ces contraintes, vous pensez qu’elle a sauté au plafond ?
Pas même l’esquisse d’une flexion.
Elle avoue dans une interview avoir d’abord paniqué a l’idée de trahir la gratuité d’internet. Et je la comprends.
Longtemps, il était impensable de mettre la main à la poche pour accéder à du contenu intéressant (ou moins intéressant) sur internet. C’était justement tout le concept.
Pour Charlotte Moreau, comme pour beaucoup de personnes, le contenu payant sur internet ne peut donc se justifier que par une très grande qualité.
En gros, les “earlys adopters” accepteront de vous payer, mais ils vous attendront au tournant.
Malgré ça, elle a fini par trancher. Trop d’avantages étaient sur la table :
Étaler sa rédaction dans le temps.
En écrivant un chapitre par mois, on a le temps de voir les choses venir. Elle raconte avoir lancé Glory Box avec une dizaine de sujets en tête. Son livre n’était pas rédigé à l’avance. Elle le construit avec ses lecteurs, chapitre après chapitre, mois après mois, sans pression temporelle.
Délai de ROI très court
Lorsqu’on écrit un livre de manière classique, on passe son temps à croiser les doigts en espérant que les ventes couvriront au moins les mois passés à rédiger. Mais si ça ne passe pas, il n’y a aucune façon de se retourner. L’abonnement mensuel d’une newsletter assure des revenus réguliers, rapides et potentiellement exponentiels.
Construire une communauté
Envoyer ses chapitres par e-mail ouvre une nouvelle opportunité aux écrivains : celle de créer un lien fort avec leurs lecteurs. Les gens attendent la suite comme les épisodes d’un feuilleton. Ils ont un rendez-vous régulier avec l’auteur et la possibilité de lui répondre. Le lien n’est plus à sens unique.
Devant tant d’avantages, fou serait celui qui se cantonne au livre papier non ? Et pourtant.
Un style à part. 🔵
Toutes les écrivaines et les écrivains ne peuvent changer de format écrit en claquant des doigts. Les codes des livres classiques et des newsletters sont différents et il faudra en être conscient avant de faire la passerelle.
Si se faire une place sur l’étal de la Fnac est infiniment plus difficile que de se faire une place dans une boîte mail, garder l’attention du lecteur est plus simple avec un livre qu’avec une newsletter.
Le gros défaut de ce format, c’est l’attention. Comme sur n’importe quel autre support d’internet, les tentations d’aller voir ailleurs si on y est sont grandes. Pas le choix donc, il faut adapter son style d’écriture.
Premier point pour écrire un livre au format newsletter : soigner l’accroche.
Charlotte l’a bien compris, elle ne dit jamais bonjour. Dans ses mails de Glory Box du moins. Mais ne vous vexez pas, c’est parce qu’elle souhaite entrer d’emblée dans le vif du sujet. Tourner autour du pot est un risque trop énorme quand on atterrit dans une boîte mail.
Deuxième chose spécifique au style d’une NL : le dynamisme du texte.
Il y a une question de rythme dans l’écriture qu’on retrouve dans les deux formats. Pour autant, sur internet personne ne va se forcer à s’accrocher à un texte plat. Le temps d’attention y est tellement court qu’il faut des “coups de fouet” réguliers pour maintenir en haleine le lecteur. Pas d’envolée littéraire donc, les échappatoires sont trop nombreux.
Enfin, le plus important selon moi : la relation avec les lecteurs.
Jamais dans un livre vous ne verrez l’auteur s’adresser directement à vous ou vous poser une question. Normal, il n’y a aucun moyen de lui répondre. À l’inverse, écrire une newsletter c’est volontairement entrer dans une relation bilatérale. On parle d’audience, de communauté, de lien avec les gens. Presque de correspondance ?
Ces codes d’internet, Charlotte Moreau les maîtrisait ait déjà. Notamment grâce à son blog Balibulle, ses articles sur elle.fr mais aussi sa newsletter le Debrief qu’elle envoie mensuellement à son audience depuis plusieurs années.
Avant-gardiste, elle fait partie de ces plumes qui ouvrent d’autres chemins.
Un nouveau monde. 🟤
Comme n’importe quel autre art, l’écriture va évoluer avec son temps. Spotify a révolutionné la musique sans nous enlever l’émotion des concerts en live. Netflix a révolutionné le cinéma sans nous enlever le charme d’une soirée pop-corn et grand écran.
Est-ce que les newsletters vont révolutionner l’écriture sans nous enlever l’odeur d’un bon livre un peu corné au coin du feu ?
Je crois que les deux mondes sont conciliables, personne ne sera obligé de choisir un camp. Les gens ont besoin de lire de belles choses, d’être transportés et ce, peu importe le support.
Comme pour chaque innovation, de nouvelles portes s’ouvriront pour les créateurs et pour les consommateurs.
Pour les lecteurs, ce sera plus facile de jongler entre différentes œuvres, avoir accès à de nouveaux auteurs, à de nouveaux styles en quelques clics. La manière de lire sera elle aussi peut-être différente : plus courte, plus intense, plus régulière.
Pour les plumes c’est une manière de s’auto-publier sans prendre de risques financiers inconsidérés. Mais c’est aussi l’opportunité de co-construire son livre avec ses lecteurs, mois après mois, année après année.
Cette page est presque vierge, tout est encore à écrire.
Serez-vous de celles et ceux qui prennent la plume ?
C’est déjà la fin de ce numéro.
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Un immense merci à celles et ceux qui mettent déjà leur pierre à l’édifice, you rock ! 🙏
PS : Pour celles et ceux qui souhaitent profiter de la rentrée pour passer leur newsletter un cran au-dessus, vous pouvez toujours prendre un coaching avec moi ici, ou répondre à cet email pour qu’on en discute.
Merci de m’avoir lu jusqu’ici, on se donne rendez-vous pour le prochain numéro dans 15 jours. D’ici là, prenez bien soin de vous !
Mathis 👋
Très intéressant, je post rarement des commentaires, mais je te félicite pour cette newsletter !
Intéressant. A l'usage, je reste sceptique sur le terme "livre". Pour moi, le livre est un ensemble construit et fini, linéaire. Mais l'idée d'une publication au long cours de mémoires professionnelles se justifie dans une newsletter. Qui se plonge facilement dans Chateaubriand, Proust ou De Gaulle ? Et pourtant les biographies et les mémoires ont beaucoup à nous apprendre, c'est même leur but premier, venant de l'homme politique comme de l'ouvrier. La newsletter est alors un retour à la "chronique", c'est-à-dire au récit régulier. Et si elle est en interaction avec le lecteur, beaucoup de vides peuvent être comblés d'un texte à l'autre. Un même récit ne sera plus linéaire, mais réalimenté par toutes les questions soulevées. Même révolution que l'invention du lien hypertexte lors de la numérisation des encyclopédies, qui ne s'éditent plus dans l'ordre alphabétique.
Pour l'écriture littéraire et linéaire, avec publications programmées en feuilleton, un outil comme wattpad a fait ses preuves, avec des interactions qui ne sont pas incluses dans les textes mais dans des conversations. Charge à l'auteur d'écrire ce que lui demande son lectorat s'il le souhaite. Je teste actuellement, si vous voulez lire, vous abonner et partager ( https://www.wattpad.com/story/363921125 )