La méthode TTSO - ou comment rendre l’actu sexy 🗞️
N°17 - Créer un média attractif dans un univers sur-concurrencé.
Vous lisez l’Encrier — le média qui explore et décrypte la Newsletter Economy. S’inspirer des pionniers d’aujourd’hui pour mieux créer demain. ❤️
Soyons tout à fait honnêtes : le secteur de l’actualité est un joyeux bordel.
D’un côté, il y a les médias qui se bagarrent pour être les premiers à couvrir un scoop, ceux qui flinguent le moral à coups de titres alarmants, ceux qui défendent leur conviction, ceux qui la vendent.
De l’autre, il y a l’audience, nous, qui ne savons plus sur quel pied danser, qui rejetons parfois le trop-plein d’information. Mais qui souffrons aussi d’une peur de manquer quelque chose.
Au milieu de l’arène, il y a ces médias qui nagent à contresens, qui ont tenu le cap depuis des années, qui restent fidèles à leur ton, à leur style, à leurs lecteurs. Ceux qui les invitent même parfois à dîner (si si).
Parmi eux : la newsletter Time To Sign Off, alias TTSO pour les vieux de la vieille.
TTSO, c’est une newsletter qui traite l’actualité, tous les jours à 18h15. La “voiture balais” de l’actu, en 5 min de lecture. Le tout avec un style bref et un ton ironique. Créé en 2011, c’est une des rares newsletters qui a su se réinventer pour tenir aussi longtemps.
En 2022, TTSO c’est 160 000 abonnés dont 120 000 qui lisent tous les soirs. Les chiffres plus récents sont assez difficiles à trouver, mais Romain Dessal (fondateur du média) confiait dans une interview suivre une croissance linéaire de +2 000 abonnés mensuels. On devrait donc s’approcher des 200 000 aujourd’hui. Colossal.
La grande question : “Comment créer un média attractif dans l’univers sur-concurrencé de l’actualité, surtout quand on sait que le format écrit a moins la côte que l’audiovisuel ?”
Ce sera tout le sujet de ce 17ᵉ numéro de l’Encrier, et j’espère qu’il vous plaira tout autant qu’à moi.
Bonne lecture,
Mathis.
Zoom sur une newsletter qui vaut le détour et ce qu’on peut en retirer.
Inventer sa propre cour
Demandez à 100 Français comment ils s’informent, environ 80 vous parleront du JT de 20h. Parallèlement, les réseaux sociaux sont aussi — sans trop de surprise — plébiscités par la jeune génération. Le contenu écrit demande plus d’effort et est quant à lui mis de côté.
Pour autant, pas mal de newsletters d’actualités ont osé se lancer dans un format journalier, bref et synthétique pour défendre le format écrit. Parmi elles : Brief.me; Ristretto; Voxe; Les Actus Du Jour (by Hugo Decrypte) ou encore TTSO. La demande est bien là, reste encore de sortir du lot.
Beaucoup de choses font de TTSO, TTSO : la plume, bien sûr, mais la vision et l’innocence aussi. Romain Dessal n’est pas un journaliste de formation. Pour certains, c’est impensable dans ce domaine, je pense au contraire que c’est l’épice qui a permis à ce média à se démarquer des autres.
L’approche “communication” de Romain a permis à la newsletter d’adopter très tôt un angle tranchant, drôle, concis et sans trop de pincettes. Là où les newsletters classiques peinaient à incarner leur contenu, TTSO ose beaucoup de choses. Voici un petit extrait de leurs textes.
Si aujourd’hui, les newsletters d’actualités se détendent un peu et osent incarner leur contenu, en 2011 c’était d’une insolence folle.
Il y a encore leur 6ᵉ rubrique, mythique, et toujours liée à l’actualité du sexe ou de l’érotisme. Ne me demandez pas pourquoi cette ligne éditoriale, aucune idée. Mais permet à TTSO de plonger encore un peu plus dans quelque chose d’incopiable :
Aussi, pour rester dans cette stratégie qui tranche avec tout ce qu’on a l’habitude de voir dans ce secteur, TTSO avait créé à l’époque un système de recommandations pas comme les autres : pour X “repartages” de la newsletter, vous pouviez gagner un dîner chez M. et Mme TTSO. Vous en connaissez beaucoup vous, des médias qui cassent la croûte avec leurs lecteurs ?
Monétiser sans vendre son audience
C’est la peur de beaucoup de créateurs de newsletters : dénaturaliser leur style au profit d’un sponsor. Et par extension, trahir un peu leur audience et ce pour quoi ils avaient signé à la base. Bref, la peur de devenir un panneau publicitaire, de ne plus être authentique.
Pire, de devenir influenceur.
L’approche de TTSO tacle toutes ces problématiques à la gorge. Vous vous en doutez, pour tenir depuis 2011, le média a dû trouver des manières de se financer.
Le principal levier de monétisation de TTSO, c’est le sponsoring. Pour chaque édition, il y a toujours 6 sujets d’actu. Le 5ᵉ est systématiquement dédié à un texte sponsorisé en “native adverstising”. Mais l’approche, contrairement à d’autres médias, est ici très incarnée.
Romain Dassal a d’ailleurs vachement étudié la question, il en parle davantage ici, mais voici un extrait :
“Nous faisons en sorte de rendre les marques utiles par le contenu. […] L'éditorial que l'on réalise pour les annonceurs n'est pas différent de ce qu'on fait sur l'info. […] Notre responsabilité, c’est de donner du contenu intéressant, on n’avance pas masqué mais ce n’est pas entouré en rouge. En revanche les rubriques sont récurrentes et c’est toujours le même nom.”
TTSO cherche toujours un angle intéressant, en lien avec l’édition du jour et les besoins des lecteurs. On y retrouve la plume reconnaissable de la newsletter et je crois que c’est le média que je conseillerai à tous créateurs réticents au sponsoring.
Oui, c’est possible de garder son authenticité tout en collaborant avec des marques.
Créer des verticales
Autre piège pour une newsletter d’actualité plutôt généraliste — le côté “plutôt généraliste”.
Niveau contenu, on a vu qu’il était possible de rester unique par le style et l’approche. Mais niveau communauté, on reste souvent trop hétérogène.
Créer des verticales permet d’aller chercher une audience plus nichée et donc de rendre un nouveau média rentable plus rapidement. Pour ces raisons — ou par simple envie de changer un peu d’air — TTSO a développé plusieurs verticales :
Time To Philo : “newsletter hebdomadaire dans laquelle des philosophes passent un fait d'actualité au crible de la pensée philosophique. Court et compréhensible par tout le monde.”
Time To So Sport (en partenariat avec SoFoot) : “newsletter hebdomadaire, sur tout ce qu'il faut retenir de l'actu sport du week-end et sur celle de la semaine à venir.”
Dans chacune de ces verticales, on retrouve la patte de TTSO. Stratégie très smart de leur part, c’est ce qu’il fallait faire pour continuer de faire vivre le média sur la durée. Mais voilà, les lecteurs de TTSO sont attachés à une marque qui s’est construite sur plus de dix ans. Son ancienneté dans le “game” fait aussi que son taux d’engagement reste très élevé.
Aujourd’hui, les lecteurs lambdas ont davantage tendance à chercher du contenu niché et spécifique. Côté sponsoring, une newsletter nichée à 10K abonnés sera toujours plus intéressante qu’une autre, plus généraliste, à 100K abonnés.
Mon point : vous n’avez pas besoin de créer une audience aussi balaise que celle de TTSO pour cartonner. Oubliez la masse, cherchez la niche.
De l’inspiration à la louche — les trucs cools récemment publiés sur la toile.
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raconte les étapes qu’il a traversées pour gagner 3600€ HT / mois avec sa newsletter personnelle, 10 mois seulement après son lancement. Édition très intéressante si vous souhaitez monétiser vos contenus.📘 J’ai découvert “Darons Daronnes”, une newsletter signée Le Monde et Clara Georges qui parle de parentalité et de toutes les questions sans réponse que se posent les jeunes (et moins jeunes) parents d’aujourd’hui. Je n’ai pas d’enfants, mais j’ai adoré la lire.
☕ Et pour clôturer sur le sujet de l’édition du jour, je ne peux que vous recommander d’aller jeter un œil à Ristretto. Une newsletter d’actualité (très) matinale et quotidienne, tenue par
— solo à bord. De quoi briller sereinement à la machine à café.Votre droit de vote pour la suite de l’Encrier.
L’été approche, le temps va tout doucement ralentir, et ça ne risque pas de faire du mal. Ce sera aussi le temps pour moi de sortir la tête du guidon et de prendre peu de recul sur cette newsletter. Je ne manquerai pas notre rendez-vous bimensuel, mais j’aimerais prendre le temps de mettre à plat la direction de ce média. Cet été donc, je vous poserai régulièrement quelques questions à la volée.
Et parce que cette newsletter ne peut être meilleure que grâce à vous, j’ai besoin de vous pour 3 petits clics :
C’est déjà la fin de ce numéro.
Mais avant de partir — et si vous avez passé un bon moment — vous pouvez m’aider à propager l’Encrier autour de vous. C’est un clic pour vous, mais un grand coup de pouce pour moi.
👉 Pour partager ma newsletter à d’autres créateurs, vous pouvez faire suivre ce lien.
Un immense merci à celles et ceux qui mettent déjà leur pierre à l’édifice, you rock ! 🙏
PS : Pour débloquer une situation liée à votre newsletter (acquisition, monétisation, ligne éditoriale, vision, création, etc.) vous pouvez aussi réserver une heure de coaching avec moi.
On se donne rendez-vous pour le prochain numéro dans 15 jours. D’ici là, prenez bien soin de vous !
Mathis 👋
Ayant besoin de consulter les actualités via différents médias (JT, journaux papier, fils d'actualités en ligne), je suis impatiente de découvrir TTSO.
Ton analyse de son succès a éveillée ma curiosité.
C'est rassurant que son fonctionnement ne soit pas dépendant à 100% du sponsoring. C'est gage d'impartialité, ce que j'ai beaucoup de difficultés à trouver dans les médias.
Merci Mathis pour ce décryptage!
C’est marrant que tu parles de ça parce que je vais justement lancer une curation de news faite par l’IA, avec un ton décalé et singlant.
Parce que les news c’est chiant et je veux rendre le truc intéressant.